Livereview: Irreversible Festival 2017

19. Mai 2017, Monthey
By Alexandre P.
La Suisse romande a probablement le record du nombre de festivals de musique par habitant à la belle saison. Et pourtant, quelques fous ont cru bon d’en ajouter un petit nouveau, baptisé l’Irreversible Festival, dans le chablais valaisan. Au final, après deux ans de préparation quand même, ce sont donc deux soirs de concerts intelligemment répartis entre une première soirée pop-rock familial et une seconde, celle qui nous intéresse, dédiée au metal, le tout en faisant la part belle aux formations suisses à chaque fois. Ajoutez à cela une organisation impeccable, ainsi qu’un chouette accueil, et vous comprendrez pourquoi on va reparler de ce festival dans le futur.

Betraying The Martyrs

Après deux groupes suisses en ouverture (Circle of Execution et Herod), ce sont les français de Betraying The Martyrs et leur frontman britannique qui investissent la grande scène. Avec un style qu’ils définissent eux-mêmes comme du Deathcore, il est vite clair que cela va bouger sans discontinuer jusqu’à la dernière chanson. Avec trois albums à son actif, Betraying The Martyrs a de quoi proposer un set de soixante minutes super carré. Le groupe saute dans tous les sens, l’occasion d’observer la belle détente d’Aaron Matts, et c’est communicatif au point qu’un petit circle pit est lancé par le public sous le soleil qui brille désormais fort sur Monthey. Comme la plupart des membres du groupe sont français, la communication est aisée avec notamment Victor Guillet (claviers) qui prendra la parole à plusieurs occasions entre les morceaux. Clairement un groupe qui à mon goût est plus intéressant en live que sur disque.

Lacuna Coil
Le groupe italien découvrait la partie francophone de notre pays il y a 19 ans déjà en ouvrant pour The Gathering et Seigmen à la Dolce Vita de Lausanne sur le Nighttime Birds Tour. Ce soir, ils sont incontestablement une des deux têtes d’affiches de la soirée grâce notamment à un style qui est devenu bien plus heavy avec le temps.

Après un concert la veille à Soleure et avant une date à Tel-Aviv, le Sanatorium tour s’arrête donc à Monthey. Alors que la bande d’intro est lancée, les cinq musiciens de Lacuna Coil débarquent sur la grande scène avec leurs camisoles de force blanches et se lancent directement dans « Ultima Ratio » du dernier album, puis « Spellbound » et « Die And Rise », avant un classique « Heaven’s A Lie ».

Au niveau visuel, l’ambiance est très réussie. On a vraiment l’impression qu’ils se sont échappés d’un asile psychiatrique comme l’annonçait la bande d’introduction sonore. Mention spéciale au capitaine Maki (basse) qui s’est en donné à cœur joie avec le maquillage, probablement encore tout content d’avoir rencontré pour la première fois une partie de sa famille valaisanne.

Quelques morceaux plus tard, Cristina dédiera « Downfall » à Chris Cornell, décédé cette semaine, en invitant le public à se pencher sur les paroles de la chanson. Ce sera ensuite un incroyable « Our Truth » avec un groupe bondissant tout au long au morceau. On se demande comment Andrea et surtout Cristina assurent aussi bien leurs parties vocales en remuant autant. Impressionnant d’aisance.

Ce sera alors au tour de la très réussie reprise de Depeche Mode « Enjoy The Silence » de trouver sa place dans la setlist et de convier la foule à un karaoké géant. Comme à l’habitude, Cristina communique beaucoup avec le public et lui demande encore de de donner de la voix en scandant We-Fear-Nothing pour lancer « Nothing Stands In Our Way ».

Étonnamment, il n’y aura pas de rappel après ce titre et les trois derniers morceaux (« Delirium », « Zombies » et The House of Shame ») seront enchaînés dans une belle ambiance.

Le temps d’une photo avec le public derrière un drapeau italien et c’est déjà terminé. Au final, une heure de concert, presque un peu court, et on aurait rêvé d’avoir quelques morceaux supplémentaires, en particulier des chansons plus anciennes du répertoire.

Setlist : Ultima Ratio | Spellbound | Die And Rise | Heaven’s A Lie | Blood Tears Dust | Ghost In The Mist | Trip The Darkness | Downfall | Our Truth | Enjoy The Silence | Nothing Stands In Our Way | Delirium | Zombies | The House Of Shame


Clawfinger
En voyant l’affiche, on se demandait s’il s’agissait bien du groupe Clawfinger qui avait fait son petit effet il y a plus de vingt ans avec « The Truth » et dont personnellement je n’avais plus tellement entendu parler ensuite. Dernier groupe à jouer sur la grande scène alors que la nuit est bien tombée et la température drôlement rafraîchie, les Clawfinger débarquent en tee-shirt confirmant ainsi à tout le moins qu’il s’agit bien de musiciens nordiques habitués au froid. Le chanteur n’a plus ses longs cheveux, mais on reconnait bien son visage, son humour et surtout son énergie.

Le groupe n’a pas de nouveau disque à promouvoir et se retrouve sur la route avec un plaisir non dissimulé, que le public semble partager d’emblée. Il faut dire que le style de Clawfinger est particulièrement idéal pour les festivals : chaque chanson bouge, le groupe bouge et donc la foule bouge aussi. Cela démarre fort avec « Prisoners » pour monter en puissance jusqu’au classique, « Nigger », le premier titre du premier album, qui, il faut le rappeler, est une chanson absolument pas raciste. Au contraire.

Je dois avouer que mis à part « The Truth » en fin de set, la plupart des morceaux me sont inconnus. Je réalise également que finalement, malgré une carrière discrète après ce premier LP qui les a mis sur le devant la scène, Clawfinger a continué d’écrire des bonnes chansons qui n’ont pas grand-chose à envier à leurs classiques et qui justifient leur place sur la grande scène.

En l’absence prolongée de Faith No More en Europe et suite au split de Rage Against The Machine, Clawfinger est une superbe alternative pour les fans de Rap Metal énergique.

Il y aura une deuxième édition de l’Irreversible Festival l’an prochain et on ne peut que vous recommander d’y aller, surtout qu’il y a une vraie volonté de consacrer un soir entier à la musique un peu forte qui nous plaît tant.

Autres groupes

Outre les trois groupes déjà mentionnés ci-dessus, il faut rappeler que l’affiche de cette soirée de samedi offrait un beau plateau de groupes suisses, en réservant même deux spots sur la grande scène à Circle of Execution et Herod. Le premier a malheureusement débuté trop tôt pour que je puisse y assister. Herod venu en voisin a de son côté délivré une belle prestation, très carrée, devant un public encore clairsemé, mais enthousiaste. Mike Pilat (ex-The Ocean), le nouveau chanteur délivre la marchandise comme on dit dans le milieu de la distribution et conviera Loïc Rossetti, l'actuel chanteur de The Ocean, pour un petit duo agité bienvenu dans la deuxième partie du set. En plus, visibilité max oblige en plein soleil, c'est un bonheur de pour une fois bien voir les gratteux jouer de la guitare à 8 cordes. Bref, Herod, c’était vraiment un bon choix pour chauffer la foule avant le début des choses sérieuses.

Juste après le set d’Herod, la seconde scène accueillait les rigolos de Grand Canard Blanc pour un set acoustique bonnard comme diraient les genevois présents ce soir. Cela dit, si la déconne est très présente avant et après les morceaux (et surtout pendant), cela reste quand même prodigieusement bien réalisé sur le plan technique. Pour ma part, c’était par moment plus proche de la chanson que du metal et du coup la mayo ne prenait pas suffisamment pour rester jusqu’au bout. Et en parlant de mayo, faut bien manger aussi à un moment pour tenir le coup.

Après Betraying The Martyrs, on retrouvait sur la seconde scène encore un groupe suisse avec Hundred Days pour un set acoustique. Emmené par sa chanteuse Tyssa, les musiciens donnent dans le pop-rock un peu groovy. Un peu de tendresse dans ce festival de musiques barbares en somme. Pas de refus après le set deathcore des parisiens. Les chansons sont sympas et le groupe nous offre en plus un hommage bien senti à Chris Cornell en reprenant « Black Hole Sun » de Soundgarden dans une belle version.

Enfin, Cardiac avait une place de choix sur la seconde scène, juste entre les concerts de Lacuna Coil et Clawfinger, surtout qu’en plus cette scène est sous tente et qu’il y fait un peu plus chaud qu’à l’extérieur. Mais que l’on ne s’y trompe pas, les gens sont bien présents pour écouter les Genevois en version acoustique et non juste se réchauffer. Tous assis, avec le chanteur Ricardo au milieu en hauteur sur un tabouret, les musiciens offrent un set très propre dans une bonne ambiance détendue qui se prolongera ensuite dans les backstage en fin de soirée. Personnellement, je préfère la musique de Cardiac avec toute sa puissance et déplore un peu le côté monotone d’un set entier acoustique. Cela dit, je suis venu en écoutant leur disque unplugged dans la voiture, donc peut être que cela faisait un peu surdose au final et que je ne dois m’en prendre qu’à moi-même. Vivement quand même un retour en version électrique, et pourquoi pas l’an prochain sur ce même site ?